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1995

7. Port-Vendres/Cadix/Nantes

Vendredi 3 novembre.
À Cadix.
7 heures 30. Petit déjeuner. Chacun vaque aux occupations d’escale. Le chef mécanicien surveille le remplissage des caisses à eau, les matelots galipotent les étais, le charpentier ponce des lisses de pavois, prépare une nouvelle caisse pour le feu de bâbord. Les poubelles sont sorties, l’amarrage est rectifié, les cuivres fourbis.


Galipotage des étais.

9 à 12 heures. Promenade dans la ville, le marché. J’achète du dentifrice, du savon et des cartes postales. Je prends un verre à une terrasse, place San Francisco, où je me livre à la corvée des cartes postales. Je porte une attention plus particulière à celle pour Frédéric.
J’ai entendu dire que l’on pourrait faire escale à Groix ou à Belle-Île, si on en avait le temps. J’avoue que j’appréhende un peu la première option, trop de souvenirs douloureux. Déjà midi, il est temps de finir mon cafe solo et de regagner le port.


Beaupré.


Défenses.

12 heures 30. Agréable déjeuner à bord.
Je prends l’initiative de faire quelques cuivres pour ne pas bronzer inactif. Le commandant, passant par là, déclare à voix assez haute pour que Daniel puisse l’entendre “il est dur le bosco”. Non, non, il n’est pas dur, c’est toujours moi qui le relance pour me donner un petit boulot, un peu de peinture, du vernis, etc. Surtout en mer, j’ai du mal à m’accorder du farniente alors que les matelots travaillent. On n’est pas sur un paquebot. Ça fait aussi plaisir de participer à l’entretien du navire et d’une certaine façon, d’y laisser secrètement son empreinte.

Grande promenade dans la ville, les remparts. J’achète une serviette de toilette et une montre Swatch marrante pour Frédéric (avec un petit marin).

19 heures 30. Repas à bord. Une forte houle du large provoque un important ressac dans le port. Déjà deux amarres et un chaumard du gaillard ont cédé. Les matelots ne cessent depuis 15 heures de rectifier l’amarrage.
21 heures 30. Promenade en ville. Bu quelques bières. Les rues et places sont noires de monde, les cafés débordent de foule, toute la ville semble prise de frénésie. C’est vendredi soir. C’est l’Espagne. Tout le monde est dehors, toutes générations confondues. Je rentre au port vers minuit. De loin, j’aperçois la mâture éclairée du Belem. Elle oscille vraiment beaucoup, au gré de la houle et du ressac. En me rapprochant, je distingue des silhouettes qui s’activent. À une petite centaine de mètres, j’entends quelqu’un qui crie “cours, Laurent, cours”. Sans comprendre de quoi il s’agissait, je cours vers le bateau. Je comprends en arrivant qu’ils viennent de décapeler les aussières car le poste d’amarrage n’est plus tenable. Le bateau est déjà à un mètre du quai. Je prends mon élan, saute et manque de terminer dans la salle des machines si des bras secourables ne m’avaient pas retenu. Il était vraiment moins une. 10 secondes plus tard, je restais à quai. Un remorqueur nous hale de l’avant pour nous faire tourner vers le large puis le pilote nous conduit à un mouillage en plein milieu de la baie de Cadix. Plus de la moitié de l’équipage est encore en bordée dans la ville. Ça va leur faire tout drôle, arrivant au port, un peu gris, de ne pas retrouver le bateau. J’apprendrais plus tard qu’ils devront attendre 4 heures que la pilotine les ramène à bord.
À bord, les dégâts sont importants. À la dunette, une bite est cassée et un balustre délogé. Au gaillard, une bite et un chaumard ont cédé, une partie de la balustrade et du garde-corps à bâbord a été arrachée. La balustrade pend lamentablement dans le vide avec les cabillots des écoutes de focs. Le bois des balustres a explosé et l’âme d’acier est tordue ou rompue. Ces balustres ne connaîtront pas leur centenaire.
Couché à 1 heure 30, au large de Cadix, que je ne pensais pas quitter si vite.

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