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1995

3. Port-Vendres/Cadix/Nantes

Samedi 28 octobre.
7 heures. Petit déjeuner. Le lever de soleil annonce une belle journée. Lavage du pont et fourbissage des cuivres. Douche. Cours de navigation. Le commandant nous annonce que nous ne pourrons pas passer à Alicante en raison de notre retard. Nous ferons donc dans deux heures une courte escale à San Antonio à Ibiza.


Mouillage à San Antonio.

15 heures. Ville décevante et bétonnée. Nous repartons vers 19 heures.
21 heures. Coucher. Mon prochain quart est à quatre heures. Aujourd’hui la bonne humeur est revenue. Oublié le petit cafard d’hier soir.

Dimanche 29 octobre.
Quart. Belle nuit, mer calme, quelque part au large d’Alicante, dans la mer des Baléares. 1 heure 20 à dispo, 1 heure 20 à la barre, 1 heure 20 à la veille au gaillard.
5 heures. C’est dimanche, on enfourne des pains au chocolat à la cuisine pour le petit déjeuner.
5 heures 45. Premières lueurs de l’aube à l’est. Nous faisons toujours route au SW. L’air est chargé d’humidité. Mon pantalon est désagréablement mouillé. Peu de trafic dans les parages. Suivant une route parallèle, mais à une allure supérieure, un bateau de plus de 50 mètres nous accompagne. Nous croisons également un feu seul, sans feux de position.
7 heures. Petit déjeuner rapide.
7 heures 15. Une belle dorade est capturée à la dunette, jaune tachetée avec les nageoires vert foncé. Elle a ses derniers soubresauts dans le bac de la cuisine. Le second la vide, son cœur bat encore. Eva, bouffie de sommeil, borborygmant, surgit dans la cuisine, et prend un café. Elle a fait le 0-4 heures. Elle proteste avec véhémence car on l’a réveillée à 6 heures 50 au lieu de 7 heures. Ces Allemands sont pointilleux. Mais elle n’a pas tort, dix minutes de sommeil, c’est précieux ici. Nos quarts tournants sont fatiguants. Rude vie…
Toujours cette humidité poisseuse qui envahit tout et qui fait que rien ne peut vraiment sécher.
8 heures. La fatigue me gagne.

9 heures. Astiquer les cuivres. Au bout d’une heure d’acharnement, crampes dans les mains, mais ça brille.

10 heures. La daurade a perdu ses jolies couleurs. Elle est maintenant grise à points bleus. Les parties en contact avec le seau où on l’a remisée sont devenues blanches.


À la veille.


Dauphin.


La dorade devenue grise.

10 heures 30. Cours de navigation avec le second. Pour moi, levé depuis 4 heures, ce sera cours de bannette! Trop crevé et le cours de navigation, et puis je trouve ça un peu ennuyeux.

11 heures 40. Un cuisinier vient me sortir de mes doux rêves. Je n’avais pas vu sur la feuille des quarts que j’étais de service au déjeuner. Abruti de sommeil, je mets le couvert en moins de deux. Pamplemousse hawaïen, entrecôte bordelaise et gratin dauphinois, charlotte aux fraises avec coulis de fruits rouges. Dans la cuisine, pendant que je m’occupe de la vaisselle, un cuisinier asperge par surprise son collègue, Gwen, des restes du fameux coulis. Cris. Rires. La victime part dehors. Tout maculé de rouge, on le dirait échappé d’un film d’horreur. Le matelot Loïc arrive alors discrètement avec un seau d’eau qu’il balance d’un coup sec sur son infortuné collègue dégoulinant de coulis. “Pour te laver!” Cris. Rires. Gwen part se changer tandis que le coq reste sur ses gardes dans sa cuisine. On ne sait jamais, les représailles…
13 heures. Temps magnifique mais hélas peu de vent et mal orienté. Farniente sur le gaillard. Pas mal de bateaux, des pêches-promenades et des voiliers. Un port ne doit pas être loin. Quelques porte-conteneurs aussi.
14 heures. Nous doublons le cap de Palos et distinguons à l’horizon, dans la brume de chaleur, la ville de Carthagène.
14 heures 30. Douche. Je préfère la prendre à ce moment là car il n’y a personne. Je ne comprends pas pourquoi tous les stagiaires tiennent à prendre leur douche en même temps, dans la cohue, à 7 heures.
15 heures. On met les moteurs à l’arrêt et on met toute la garde robe. Mais avec la faible brise, nous n’avançons pas bien vite.
15 heures 30. J’écris ces mots sur la table de la batterie. Dans la cuisine, j’ai lu le menu du soir, on nous promet des tomates farcies avec riz Ivanofsuslapineausousof. J’ai oublié de dire qu’à midi, exceptionnellement, le commandant nous a donné du vin. Parce que c’est dimanche et que les conditions ne sont pas très favorables à la voile.

Je commence à mieux me repérer dans les points de tournage. Le bateau commence à me devenir familier. Ah, aussi, j’ai adopté la chaussure du bord par beau temps, c’est-à-dire pieds nus. Bien agréable, mais risqué pour les orteils.
Cap toujours au SW.


Chasse aux dauphins.

16 heures 30. Une bonne brise nous porte et nous passons des moments de vrai bonheur. Des matelots calfatent sur le gaillard. De nombreux dauphins viennent jouer sous l’avant du bateau. J’espère avoir réussi au moins une photo, penché sur le garde-corps à en tomber.


Daniel à l’ouvrage sur les haubans.


Jeu d’ombres.

17 heures. Conférence du commandant sur le spardeck : le virement de bord lof sur lof vent arrière et autres virements. Comment mettre en panne également.


Voile signée Tonnerre.


Éventail.

18 heures 30. Dans le soleil couchant, nous ramenons la toile puis rangeons les manœuvres.


Couchant.

19 heures. Repas premier service. Œufs pochés sauce bordelaise, tomates farcies et riz. Fruits. Le commandant n’étant pas présent à ce service, des matelots ne se privent pas d’ironiser sur les habitants de la dunette. Cigarette, puis à 8 heures, il est déjà le temps de se coucher en prévision de mon quart de 0 à 4. Je tente de m’endormir dans le bruit du repas du second service. Dans la bannette, rideau tiré, mon petit chez moi, je me laisse bercer par le ronron du moteur et le lent tangage.

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